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disait-il avec une voix assez ordinaire, qu'en un pareil moment sa hache lui était aussi inutile que la
quenouille d'une vieille femme.
Kennybol, étonné, mais toujours aussi crédule, remit son propre mousqueton au géant avec un effroi qui lui
faisait presque oublier la crainte des balles qui pleuvaient autour de lui. Espérant toujours un prodige, il
s'attendit encore à voir son arme fatale devenir entre les mains de Han d'Islande aussi grosse qu'un canon, ou
se métamorphoser en un dragon ailé lançant du feu par les yeux, la gueule et les narines. Il n'en fut rien, et
l'étonnement du pauvre chasseur fut au comble quand il vit le démon charger comme lui la carabine de poudre
et de plomb ordinaire, la mettre en joue à sa manière, et lâcher tout simplement son coup, sans même ajuster
aussi bien que lui, Kennybol, aurait pu le faire. Il le regarda avec une morne stupeur répéter cette opération
toute machinale plusieurs fois de suite; et, convaincu enfin qu'il fallait renoncer à un miracle, il songea à tirer
ses compagnons et lui-même du mauvais pas où ils se trouvaient, par quelque moyen humain. Déjà son
pauvre vieux camarade Guldon Stayper était tombé à ses côtés, criblé de blessures; déjà tous les montagnards,
épouvantés et ne pouvant fuir, cernés de toutes parts, se serraient les uns contre les autres, sans songer à se
défendre, avec de lamentables clameurs. Kennybol comprit et vit combien cet amas d'hommes donnait de
sûreté aux coups de l'ennemi, dont chaque décharge lui enlevait une vingtaine des siens. Il ordonna à ses
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malheureux compagnons de s'éparpiller, de se jeter dans les taillis qui longent le chemin, beaucoup plus large
en cet endroit que dans le reste de la gorge du Pilier-Noir, de se cacher sous les broussailles, et de riposter de
leur mieux au feu de plus en plus meurtrier des tirailleurs et du bataillon. Les montagnards, pour la plupart
bien armés, parce qu'ils étaient tous chasseurs, exécutèrent l'ordre de leur chef avec une soumission qu'il n'eût
peut-être pas obtenue dans un moment moins critique; car, en face du danger, les hommes en général perdent
la tête, et alors ils obéissent assez volontiers à celui qui se charge d'avoir du sang-froid et de la présence
d'esprit pour tous.
Cette mesure sage était loin cependant d'être la victoire, ou seulement le salut. Il y avait déjà plus de
montagnards étendus hors de combat qu'il n'en restait debout, et, malgré l'exemple et les encouragements de
leur chef et du géant, plusieurs d'entre eux, s'appuyant sur leurs mousquets inutiles, ou s'étendant auprès des
blessés, avaient pris obstinément le parti de recevoir la mort sans avoir la peine de la donner. On s'étonnera
peut-être que ces hommes, accoutumés tous les jours à braver la mort en courant de glaciers en glaciers à la
poursuite des bêtes féroces, eussent si tôt perdu courage; mais, qu'on ne s'y trompe pas, dans les coeurs
vulgaires, le courage est local; on peut rire devant la mitraille, et trembler dans les ténèbres ou au bord d'un
précipice; on peut affronter chaque jour les animaux farouches, franchir des abîmes d'un bond, et fuir devant
une décharge d'artillerie. Il arrive souvent que l'intrépidité n'est qu'habitude, et que, pour avoir cessé de
craindre la mort sous telle ou telle forme, on ne l'en redoute pas moins.
Kennybol, entouré des monceaux de ses frères expirants, commençait lui-même à désespérer, quoiqu'il n'eût
encore reçu qu'une légère atteinte au bras gauche, et qu'il vît le diabolique géant continuer son office de
mousquetaire avec l'impassibilité la plus rassurante. Tout à coup il aperçut, dans le fatal bataillon rangé sur la
hauteur, se manifester une confusion extraordinaire, et qui ne pouvait être certainement causée par le peu de
dommage que lui faisait éprouver le très faible feu de ses montagnards. Il entendit d'affreux cris de détresse,
des imprécations de mourants, des paroles d'épouvante, s'élever de ce peloton victorieux. Bientôt la
mousqueterie se ralentit, la fumée s'éclaircit, et il put voir distinctement d'énormes quartiers de granit tomber
sur les arquebusiers de Munckholm du haut de la roche élevée qui dominait le plateau où ils étaient en
bataille. Ces éclats de rocs se suivaient dans leur chute avec une horrible rapidité; on les entendait se briser à
grand bruit les uns sur les autres, et rebondir parmi les soldats, qui, rompant leurs lignes, se hâtaient de
descendre en désordre de la hauteur et fuyaient dans toutes les directions.
À ce secours inattendu, Kennybol tourna la tête; le géant était pourtant encore là! Le montagnard resta
interdit, car il avait pensé que Han d'Islande avait enfin pris son vol et s'était placé au haut de ce rocher d'où il
écrasait l'ennemi. Il éleva les yeux vers le sommet d'où tombaient les formidables masses, et ne vit rien. Il ne
pouvait donc supposer qu'une partie des rebelles étaient parvenus à ce redoutable poste, puisqu'on ne voyait
point briller d'armes, puisqu'on n'entendait point de cris de triomphe.
Cependant le feu du plateau avait entièrement cessé; l'épaisseur des arbres cachait les débris du bataillon qui
se ralliait sans doute au bas de la hauteur. La mousqueterie des tirailleurs était même devenue moins vive.
Kennybol, en chef habile, profita de cet avantage bien inespéré; il ranima ses compagnons, et leur montra, à la
sombre lueur qui rougissait toute cette scène de carnage, le monceau de cadavres entassés sur l'esplanade
parmi les quartiers de rocs qui continuaient de tomber d'intervalle en intervalle. Alors les montagnards
répondirent à leur tour par des clameurs de victoire aux gémissements de leurs ennemis; ils se formèrent en
colonne, et, bien que toujours incommodés par les tirailleurs épars dans les halliers, ils résolurent, pleins
comme d'un courage nouveau, de sortir de vive force de ce funeste défilé.
La colonne ainsi formée allait s'ébranler; déjà Kennybol donnait le signal avec sa trompe, au bruit des
acclamations Liberté! liberté! Plus de tutelle! quand le son du tambour et du cor, sonnant la charge, se fit
entendre devant eux; puis le reste du bataillon de l'esplanade, grossi de quelques renforts de soldats frais,
déboucha à portée de carabine d'un tournant de la route, et montra aux montagnards un front hérissé de piques
et de bayonnettes, soutenu de rangs nombreux dont l'oeil ne pouvait sonder la profondeur. Arrivé ainsi à
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l'improviste en vue de la colonne de Kennybol, le bataillon fit halte, et celui qui paraissait le commander agita
une petite bannière blanche en s'avançant vers les montagnards, escorté d'un trompette.
L'apparition imprévue de cette troupe n'avait point déconcerté Kennybol. Il y a un point, dans le sentiment du
danger, où la surprise et la crainte sont impossibles. Aux premiers bruits du cor et du tambour, le vieux renard
de Kole avait arrêté ses compagnons. Au moment où le front du bataillon se déploya en bon ordre, il fit
charger toutes les carabines et disposa ses montagnards deux par deux, afin de présenter moins de surface aux
décharges de l'ennemi. Il se plaça lui-même en tête, à côté du géant, avec lequel, dans la chaleur de l'action, il
commençait presque à se familiariser, ayant osé remarquer que ses yeux n'étaient pas précisément aussi
flamboyants que la fournaise d'une forge, et que les prétendues griffes de ses mains ne s'éloignaient pas autant
qu'on le disait de la forme des ongles humains.
Quand il vit le commandant des arquebusiers royaux s'avancer ainsi comme pour capituler, et le feu des
tirailleurs s'éteindre tout à fait, bien que leurs cris d'appel, qui retentissaient de toutes parts, décelassent encore
leur présence dans le bois, il suspendit un instant ses préparatifs de défense. [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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